Tout plaquer, repartir de zéro, recommencer sa vie ailleurs… quelque chose qui nous a, à tous, traversé l’esprit un jour ou l’autre. Aujourd’hui, Élodie du blog Cristal et Mandarine nous partage son expérience riche en rebondissements.

Les beaux jours commencent à revenir et le soleil, encore un peu timide, effleure mon visage en ce matin d’avril. Je viens de quitter l’appartement encore silencieux pour rejoindre mon travail. Un gagne-pain, alimentaire plus que passionnant, qui commence à me taper sérieusement sur le système. Je donnerais n’importe quoi pour tout plaquer.

A la maison, mon conjoint fait les cent pas. Voilà plus d’un an qu’il cherche un emploi sans succès. Nous sommes en 2009, la crise économique a peu à peu raison des entreprises de la région. Notre avenir ne se présente pas sous les meilleurs auspices.

Je passe ma journée derrière le comptoir de la réception du centre de formation dans lequel je travaille. Mon sourire est de plus en plus forcé. Ma manager, bienveillante, s’en rend compte. Mais ce matin-là, elle va me donner le coup de grâce.

 

Vous n’avez pas le choix

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Notre grand patron lui a en effet demandé de réviser mes horaires de présence. Il lui semble plus efficace que je fasse à la fois les ouvertures à 8h du matin, et les fermetures après 20h, avec une grande pause de plusieurs heures entre les deux.

Je proteste, en disant que cela n’est pas juste. On me répond que, de toute façon étant donné ma situation, je n’ai pas le choix. Ton mari ne travaille pas, tu ne peux pas te permettre de perdre ton emploi, tu feras bien ce qu’on te dit de faire.

Ce n’est pas une question. Les nouveaux horaires commenceront dès demain. Et non, je ne peux pas demander un ajustement de salaire pour ça.

A l’heure du déjeuner, mon homme vient me retrouver pour quelques minutes autour d’un café. Je lui explique les nouvelles règles. Je vois son visage se fermer un peu plus. Cela signifie pour lui encore plus d’heures à errer, seul, à la maison.

Lui qui avait juré de prendre soin de moi et de me rendre heureuse, il se retrouve embourbé dans une situation dont il n’a plus le contrôle. Je ne lui en veux pas, nous nous aimons et c’est pour moi tout ce qui importe, mais la fierté n’a pas besoin de ça pour être touchée.

Il passe ses journées à la pêche. Non pas par plaisir, mais pour que nous puissions manger. Mon salaire ne suffit pas pour nous permettre de faire les courses pendant un mois. Nos proches nous dépannent de temps en temps, mais ils ont eux aussi leurs limites. Nous sommes coincés dans une vie qui perd peu à peu son piment, sa joie et son sens.

Quand nous nous séparons à la fin de ma pause, je lui fais une promesse.

Les choses vont changer. Je ne sais pas encore comment, mais j’en ai assez. J’ai la ferme intention de tout plaquer pour rebondir.

 

Et si on partait en Inde ?

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La question était venue se poser là, entre un café soluble et une cigarette roulée à la main. Je venais de voir une annonce emploi pour partir à Bombay qui correspondait parfaitement à mes compétences. Mon homme m’a regardé pour être sûr d’avoir bien entendu. Je ne plaisantais pas. Il l’a lu dans mon regard.

D’accord. Ni plus, ni moins. Qu’avions-nous à perdre de toute façon ? Rien.

J’ai envoyé ma candidature. Deux jours plus tard on me rappelait pour me proposer le poste, mais il fallait partir rapidement. Nous avons pris tous nos meubles et objets précieux en photos pour alimenter à la chaîne un site internet de petites annonces. Le préavis pour l’appartement était envoyé en 48h. Les passeports et les visas obtenus en 15 jours.

Un mois. C’est le temps qu’il nous a fallu pour nous organiser et atterrir à Bombay, sous la chaleur écrasante d’un mois de mai poisseux et irrespirable sous les tropiques.

Mon premier cadeau ? La tête de mon patron quand j’ai débarqué dans son bureau pour lui donner ma démission et lui expliquer que je partais en Inde. Avait-il jamais osé prendre pareil décision dans sa vie, cet homme qui se pensait tout puissant pour me dire comment gérer mon existence ? Peu importe. Je tenais ma petite revanche personnelle, quelques mots pour sauver notre fierté.

 

La bonne décision ?

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Je suis fière de cette histoire et c’est toujours avec un petit sourire aux lèvres que je la raconte. En tout cas jusqu’à ce que la suite des événements me reviennent en mémoire.

Oui, c’était une décision audacieuse de tout plaquer. En revanche, la chute a été terrible.

D’abord à notre arrivée sur place parce que l’entreprise qui m’avait recrutée n’avait pas été tout à fait honnête. On m’avait parlé d’un logement de fonction qui n’existait pas et d’un salaire qui s’est vu grassement amputé dès le premier mois. Mon contrat de travail n’était pas français, mais indien. Autant dire pas de contrat.

Ensuite, parce qu’il avait été question d’aider mon homme à trouver du travail. Le problème, c’est que la personne qui m’avait recrutée et fait toutes ces promesses n’était elle-même pas sur place et ça, je ne le savais pas. Quand j’ai posé la question au bureau, on m’a regardé avec de grands yeux. Personne n’était au courant.

Pendant six mois nous avons été hébergés chez d’autres expatriés et dans des appartements laissés là par les derniers français qui étaient déjà repartis. Une longue période pour ne pas pouvoir défaire ses valises et se sentir chez soi, dans un environnement aux antipodes de ce que nous connaissions.

Je travaillais en moyenne 14 heures par jour et je m’écroulais de fatigue en rentrant. La pression était telle que je n’arrivais plus à refaire surface. Nous avons pensé à rentrer en France, mais nous étions coincés. L’argent gagné sur place nous servait à vivre et celui de la vente de nos meubles avait servi à payer les billets d’avion pour le voyage.

Nous n’avons pas vraiment eu l’occasion de visiter ou d’aller nous balader, par manque de temps et de moyens.

Tout plaquer pour l’espoir d’une vie meilleure à l’autre bout du monde fait rêver. Pour nous, le rêve avait des allures de mauvaise blague.

 

Instinct de survie

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Après deux années lors desquelles nous avions fini par trouver un logement et nous installer, il a une nouvelle fois été question de tout plaquer. Le signal d’alarme a été une injonction de mon entreprise à leur confier mon passeport pour, disaient-ils, le mettre en sécurité et procéder plus facilement aux formalités de visa à renouveler.

Certaines de mes collègues se laissèrent prendre au piège. Quand elles ont demandé leur passeport pour rentrer en France pour les vacances, on leur a répondu qu’il fallait continuer à travailler. Les vacances n’étaient pas au programme.

Avec un groupe d’amis, nous repoussions l’échéance et inventions des prétextes de plus en plus difficiles à trouver pour conserver notre précieux Sésame. Mais c’était sans compter sur l’imagination de nos hôtes qui menacèrent alors de bloquer nos salaires jusqu’à avoir en leur possession notre pièce d’identité.

Je suis rentrée en trombes à la maison pour faire les valises. J’ai appelé mes parents en France pour leur expliquer la situation et leur demander de nous aider à rentrer. Je nous revois encore sur le rickshaw à 4h du matin pour rejoindre l’aéroport de Bombay. Nous ne voulions pas éveiller les soupçons des gardiens de l’immeuble, par peur qu’ils ne contactent mon entreprise en nous voyant filer avec toutes nos affaires.

Un voyage de retour interminable de plus de deux jours pour faire des économies, lors duquel nous avons fait un tour du monde des aéroports. Souvent affamés et assoiffés, à dormir par terre chacun notre tour pour surveiller les sacs, sans possibilité de nous laver.

Je croyais que le fait de fouler le sol à Paris me donnerait une bouffée d’oxygène. En fait, j’avais ramené sans m’en rendre compte un arrière-goût d’échec et de non achevé.

Pour la seconde fois, nous venions de tout plaquer pour repartir à zéro, mais cette fois, nous n’avions plus rien.

 

Se relever

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Il nous faudra moins d’un an pour nous remettre sur pieds après cette expérience. Nous avons été hébergés par mes parents le temps de rebondir une fois de plus. Revenir vivre avec ma mère à l’âge de 30 ans, en couple, n’était pas vraiment prévu au programme.

Avec le recul et beaucoup de travail sur moi-même, j’arrive à présent à tirer les leçons de cette aventure. La première, c’est que tout plaquer n’est pas forcément synonyme de succès. On voit beaucoup de gens qui se lancent et racontent de belles histoires de renaissance, mais rarement des expériences comme celle-ci.

Pourtant, je suis sûre que je ne suis pas un cas isolé. La première leçon est donc de se méfier de ce que l’on voit. S’il est facile de raconter une histoire captivante de réussite, c’est que d’autres ont essayé et se sont cassés les dents. Il n’y a jamais de blanc sans noir.

Ensuite, et ce sera sans doute surprenant, mais je ne regrette rien de ces péripéties. Pourtant, je pourrais regarder cet épisode de ma vie en le classant dans la catégorie des échecs, mais ce n’est pas le cas.

J’ai appris que, quoi qu’il arrive, on peut toujours se sortir d’une situation. Il y a toujours des solutions et il ne tient qu’à nous de les mettre en pratique. Tout plaquer pour rebondir reste pour moi une décision valable.

Pourquoi ? Parce que, même si cela ne se passe pas exactement comme prévu, ce qui de toute façon est rarement le cas, on apprend à se relever. Si on ne chute jamais, il n’y a aucune chance pour passer à l’étape suivante. La chute est une condition de la réussite et plus haute est la chute, plus c’est difficile de se relever, plus on devient fort.

J’écris cet article sur mon canapé, un soir de mai dans notre appartement sous les toits de Paris. Serions-nous ici, toujours ensemble avec mon homme, à rire et faire des projets dans un environnement confortable, si nous n’étions pas passés par là ?

Impossible à dire. Tout ce que je sais, c’est que nous sommes à l’épreuve des balles. Tout peut nous tomber dessus, rien ne pourra ébranler nos fondations. Et pourtant, je vous assure que la vie ne nous fait pas de cadeau. Mais à qui en fait-elle vraiment ? Nous sommes tous dans le même bateau, à la merci d’événements incontrôlables.

Pour finir, je vais me permettre un dernier conseil.

Cette expérience s’est finalement bien terminée, mais je ne perds pas de vue que nous avions probablement une bonne étoile au-dessus de notre tête.

Le secret ? On ne peut pas savoir à l’avance si elle brillera ou non en cas de pépin. On ne peut pas non plus savoir si tout plaquer nous mènera vers une meilleure situation. Parfois tout ce que l’on sait, c’est qu’il faut se jeter dans l’arène le couteau entre les dents, prêt à en découdre et la rage au ventre.

Il en va de notre vie et du salut de notre âme.

« Quoi que tu rêves d’entreprendre, commence-le. L’audace a du génie, du pouvoir, de la magie. » Goethe


 

Merci Armelle pour m’avoir permis de raconter mon histoire sur ton blog. Si vous voulez en savoir plus sur moi, je vous invite à passer me faire coucou sur Cristal et Mandarine et à rejoindre la tribu des Repenties. Au plaisir de vous accueillir !

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Cet article a été rédigé par Élodie, du blog Cristal et mandarine. Voici une petite présentation de notre invitée du jour :

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“Je m’appelle Elodie et je suis l’heureuse propriétaire d’une vie atypique, un peu perchée, résolument authentique et parfaitement heureuse. Je t’aide sur le blog Cristal et Mandarine à reprendre ta vie en main et à passer en mode Repentie! Sans chichi, avec beaucoup d’humour et une bonne dose d’autodérision, faisons ensemble la peau à nos petits défauts!”

4 thoughts on “Tout plaquer pour rebondir : quand l’expérience tourne au drame !

    Merci pour cet article très intéressant et ces conseils précieux ! Bonne continuation

      Pour retrouver les autres conseils d’Élodie, n’hésitez pas à aller faire un tour sur son blog Cristal et Mandarine 🙂 Il y a plein d’articles sympas !

    Une belle leçon de vie racontée, c’est vrai que dans la vie il faut toujours oser ! Article très intéressant 🙂

      Hello Evi,

      Oui complètement ! C’est un très beau témoignage qui nous montre bien que tout n’est pas rose, mais que quelque soit l’expérience il y a toujours quelque chose de positif à en retenir !

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